La course commence pour moi jeudi, préparation des affaires (ne pas en oublier comme l'année dernière dans l'urgence), puis départ pour Chamonix. Grand beau temps
(mais je savais que ça n'allait pas durer), je trouve une place sur le parking près des terrains de tennis, pas loin de la base de survie (on ne sait jamais). Récupération du dossard vers 17h et, mauvaise surprise, la navette pour le lendemain m'est imposée à 6h45 (je saurai plus tard par Pierrot et Thierry qu'en arrivant vers 19h j'aurai eu un départ vers 8h
). Ballade sur le salon, derniers conseils de Sébastien Chaigneaux et rencontre d'un copain qui fait l'UTMB et de sa compagne, bénévole que je retrouverai à Bertone le lendemain. Pasta party, petite mousse du condamné, et au dodo à 9h.
Vendredi, le réveil est un peu rude mais comme je ne dors jamais trop bien les veilles de course, ça passe. Arrivé à 7h30 à Courmayeur, je file directement au forum, espace garderie, où j'avais repéré une belle moquette pour terminer ma nuit l'année dernière
. Premières rencontres (en deux heures on a le temps de papoter), je prendrai finalement le départ avec un de mes collègues d'infortune. A 9h30, nous rejoignons le départ. Je croise Thierry et Pierrot (qui déjà n'a pas l'air en grande forme) mais préfére prendre le départ au milieu du peloton (parti à l'arrière l'année dernière, il m'était arrivé la même galère que Thierry cette année, bouchon jusqu'au grand col Ferret). 9h55, le départ approche et la pluie aussi. Elle ne nous quittera plus jusqu'à midi mais bon il ne fait pas trop froid. Je pars avec pour objectif de finir (et oui étant un bizut des longues distances, ce sera une première pour moi) et de courir le plus longtemps possible dans les descentes et sur les parties de relance. Départ dans un super ambiance, clarines et bravi à gogo. Je zappe le ravito à Bertone, je ne regrette pas le départ en milieu de peloton (bon rythme régulier) tout va bien. Un progrès par rapport à l'année dernière, je ne fais pas d'entorse dans la descente vers Bonatti. Un petit coup de coca et d'eau à Bonatti et premier ravito solide à Arnuva. Coca, sandwich perso, thé, j'aimerai bien ne pas avoir de nausée
comme sur la Transju alors j'essaye d'alterner sucré/salé. Montée vers le grand col Ferret à bonne allure, heureux (l'année dernière j'avais pris mon premier coup de bambou dans cette ascencion). Descente à vive allure vers la Fouly. Je reste un bon moment derrière une traileuse
que je peine à suivre alors qu'elle court ... avec un bras en écharpe (qu'est-ce que ça doit être quand elle est valide!). 10 minutes d'arrêt à la Fouoly et première soupe. La descente qui m'avait paru super longue et avalée comme une lettre à la poste. J'arrive avec appréhension dans la montée vers Champex où j'avais littéralement explosé en 2009, même pas mal
. Un peu décu de ne pas retrouver la famille à Champex (mais bon avec la pluie qui a repris) je fais une grande pause, pâtes, change sec et équipement de nuit, frontale et musique. Le speaker annonce que 500 coureurs s'ont arrivés à Champex, je crois à une erreur. A partir de là, c'est l'inconnu puisque j'avais abandonné à Champex, je continue toujours dans la même philosophie, tant que je suis bien, je pousse en montée et cours dans les descentes et surtout...Je me fais plaisir (j'ai bien écouté les conseils de Sébastien Chaigneaux). La montée vers Bovine est fantastique, bien, pas froid malgré la pluie, Led Zep. La première descente (de ma vie) en version frontale, de nuit, sous la pluie avec pierres et racines glissantes et plus folklorique (je fais des paris avec les voisins, à quand la première gamelle, la plus belle). Je me fais passer par un bon nombre de coureurs mais trouve une technique imparable...se laisser doubler et suivre un petit groupe d'habitués
. Au col de la Forclaz, heureuse surprise
, ma compagne et mon fils sont là (j'ai en plus failli les louper complétement dans ma bulle et en plus perdus au milieu des encouragements d'autres spectateurs (ah la bonne idée d'inscrire les prénoms sur les dossards). Arrivé plus tôt que prévu à Champex, il m'avait raté. Mon fils m'a fabriqué une banderole, du coup pause plus longue, mais efficace , en famille à Trient. Galvanisé, j'avale la montée de Catogne, roulante à souhait et fonce vers Vallorcine (40 coureurs de repris). Une petit pause coca, soupe, café, eau et je repars vers la tête au vent, plus rien ne peut m'arriver, comme c'est parti je vais même pulvériser le temps estimé
. Dans la montée, je suis sur une autre planète, je double uns à uns les copains, le chemin se transforme parfois en torrent, je ne sens même pas les marches, la musique est à fond, je m'éclate. L'arrivée à la Tête aux vents (la bien nommée) et le long replat vers la Flégère ma rappelle vite à l'ordre des éléments, tempête, brouillard, chemins transformés en torrent, balises à peine visibles. Un regroupement d'utilité publique de traileurs s'opère, les pieds glissent, les chaussures blasées par les flaques d'eau et de boue jusqu'aux chevilles parfois n'évitent même plus les flaques. Tout le monde fait comme il peut mais court toujours quand c'est possible. Et c'est le meilleur moment que je choisis pour...perdre mon groupe
. Personne devant, personne derrière, le brouillard...très long moment de solitude
jusqu'à la Flégère où je n'ai pas regretté les entrainements par tout temps hiver comme été et une certaine expérience de la montagne (les 800 camarades ayant abandonné peuvent en témoigner). Heureusement, dans le brouillard, le dernier ravito est apparu, j'étais sauvé, impossible de ne plus rejoindre l'arrivée
. J'ai fini la descente vers Chamonix en groupe et toujours en courant (à chaque ravito je me posais la même question, quand vais-je exploser
) pour terminer, euphorique avec 5 gars à 12 à l'heure dans les rues de Cham
. Je n'ai su qu'à ce moment que, malheusement, une partie des coureurs avaient été arrêtés derrière (dont nombre de vaillants crapasteurs), mais j'avoue, qu'un peu égoistement, j'ai profité avant tout du plaisir d'être arrivé au bout, de m'être étonné d'avoir si peu souffert et d'avoir gagné le droit de tenter le grand tour si les dieux du tirage au sort sont avec moi.